Lucas Lefebvre, co-fondateur de La Fourche, nous livre un édito sur la Compétition - Nos dernières sorties avec : Bénédicte Sanson, co-fondatrice du MoovJee et Twoo, Michael Copsidas, co-fondateur du Guide.com, Bertrand Fleurose, co-fondateur de Cityscoot, Maxime Demeure, co-fondateur de Madbox, Joseph Choueifaty, co-fondateur de Goodvest.
Derrière Les Nouveaux Narrateurs, il y a FeuilleBlanche, producteur de stratégies, messages et médias pour les marques et les dirigeants.
Un projet à lancer ou un message à affiner ?
La compétition est au cœur de la doxa économique : des bancs de l'école aux conseils d'administration, elle serait le moteur de toute performance. On nage dans un bain culturel où Darwin est devenu l'évangile de la jungle économique – un jeu de survie des plus forts, des plus malins, où chacun suit son propre intérêt en pensant ainsi servir l’intérêt général.
Cependant, cette lecture d’un darwinisme simpliste fondé sur la sélection du plus fort au niveau individuel et appliqué à notre société est aujourd’hui largement remise en question. Les recherches récentes en anthropologie et en biologie évolutive suggèrent que la théorie de l’évolution est plus nuancée : la sélection naturelle opère aussi au niveau des groupes. Darwin lui-même avait esquissé cette idée, proposant que des instincts altruistes pouvaient être bénéfiques à un groupe dans son ensemble. La théorie contemporaine de la sélection multi-niveaux prolonge cette intuition en montrant que des groupes coopératifs peuvent surpasser des groupes égoïstes mais peu coopératifs, même lorsque ces derniers sont composés d’individus individuellement plus forts.
Une expérience souvent citée par David Sloan Wilson, défenseur de la sélection multi-niveaux, et réalisée par le généticien William Muir illustre bien cette théorie. Pour optimiser la production d'œufs dans les poulaillers, il vaut mieux sélectionner des groupes coopératifs plutôt que les individus, poules et coqs, qui sont les plus productifs individuellement. Dans ce second cas, ces individus très performants se montrent plus agressifs ce qui fait systématiquement chuter la productivité du groupe. Une preuve simple mais puissante : la coopération, au niveau des groupes, surpasse l’individualisme — biologiquement, et donc économiquement.
Cette notion de sélection multi-niveaux explique précisément pourquoi l'altruisme a pu se développer et pourquoi notre espèce a dominé la planète grâce à ses capacités à coopérer. Individuellement, l’égoïsme paraît rationnel. Collectivement, il mène souvent à la ruine. Toute notre théorie économique actuelle repose pourtant sur cette compétition individuelle exacerbée : chacun optimise son propre intérêt immédiat sans réaliser que cela peut entraîner des conséquences désastreuses au niveau collectif (réchauffement climatique, pollution massive, destruction des écosystèmes, accaparement et épuisement des ressources, accroissement des inégalités, conflits sociaux…).
Face à tous ces maux et confronté à la finitude du monde, nous devons reconnaître que notre système économique nous mène dans un mur. La coopération, qui a fait notre succès historique en tant qu'espèce, est paradoxalement absente des modèles économiques dominants. L'essor rapide de l'intelligence artificielle ne fait qu'accroître ce risque en exacerbant encore davantage la compétition. À cela s'ajoute un autre obstacle majeur : le phénomène du passager clandestin, qui empêche bien souvent la mise en œuvre de décisions collectives pourtant bénéfiques à l’intérêt général. Chacun espère profiter des efforts des autres sans y contribuer lui-même, ce qui bloque ou ralentit toute dynamique de coopération à grande échelle.
Soyons honnêtes : aucune entreprise ne peut, seule, réécrire les règles du jeu. Chacune évolue dans un environnement où la compétition reste la norme, entre pression économique, croissance et course à la performance. Pourtant, face à l’ampleur des enjeux, il est du devoir de tout entrepreneur conscient de ces réalités d’essayer d’incarner, à son échelle, une autre voie. Celle de la coopération.
La vraie question devient alors : comment intégrer cette prise de conscience au cœur même de l’entreprise, pour que les équipes puissent en faire l’expérience concrète et, progressivement, remettre en cause la doxa économique dominante ?
Il existe de nombreuses façons d'intégrer la coopération au sein d'une entreprise — que ce soit dans sa gouvernance, ses modes de rémunération, ses valeurs, sa culture, la formation ou les pratiques managériales. Ces leviers sont aujourd’hui bien documentés et largement explorés dans la littérature managériale accessible à toutes celles et ceux qui souhaitent s’en emparer. C’est en intégrant ces mécanismes dans les entreprises que nous pourrons démontrer que la coopération fonctionne, et qu'elle est même plus performante sur le long terme. Et c’est cette preuve vivante, vécue par les équipes dans leurs propres organisations, qui peut lentement faire basculer le système tout entier.
Dans les milieux où la vie abonde et les ressources sont nombreuses, comme les forêts tropicales, la compétition règne : chaînes alimentaires longues et forte prédation. À l’inverse, dans les écosystèmes pauvres en ressources — déserts, abysses — les espèces coopèrent davantage. Moins de prédateurs, plus d’interdépendances. Notre économie mondialisée a été pensée comme une forêt luxuriante : tout pour la compétition, avec l’idée implicite que les ressources étaient infinies. Mais nous entrons désormais dans une ère de rareté : climat, biodiversité, matières premières... Tout nous pousse à revoir nos modèles. Et si cette rareté devenait une chance ? Celle de réinventer une société où l’on coopère plutôt que de s’affronter.
Lucas Lefebvre, co-fondateur de La Fourche
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C’est comme ça que notre cercle grandit, une plume à la fois.
Elle est la bonne fée des jeunes entrepreneurs français depuis 15 ans. Et elle sera bientôt la bonne étoile de milliers de salariés en France.
Avec le Moovjee, qu’elle a cofondé il y a 15 ans avec Dominique Restino, elle permet aux jeunes dirigeants de trouver, matcher et grandir avec un mentor, lui même entrepreneur, plus aguerri que son mentoré.
Qui n’a jamais rêver de pouvoir échanger régulièrement avec un entrepreneur qui a emprunté avant soi, de nombreux chemins par lesquels tout jeune entrepreneur va devoir passer ?
Le mentorat entrepreneurial n’a plus à prouver son potentiel. Cette méthode va aussi devenir à présent un atout pour des milliers de salariés.
Depuis 18 mois, elle a lancé le programme Woork, accessible aux 18-30 ans dans les 6 premiers mois de leur prise de poste.
Elle est convaincue que grâce au mentorat, l’inclusion n’est pas un vain mot, mais un véritable outil de transformation.
Et les entrepreneurs aussi devraient s’y retrouver : une prise de fonction plus rapide, une communication interne facilitée avec le management. Tous les ingrédients pour mieux onboarder et fidéliser les jeunes talents dans son équipe.
Michael Copsidas l’un des pionniers du web français, il a longtemps réussi à concurrencer Google avec LeGuide.com, et il est le premier de nos invités à être entré en bourse. Cela donne le ton pour ce nouvel épisode exceptionnel et cette cession pas comme les autres.
Michael est un visionnaire. Il lance sa première entreprise au temps du Minitel. À l’époque, l’idée était simple : aider les consommateurs à s’y retrouver dans la jungle des services.
Mais quelques années plus tard, il est l’un des premiers à basculer sur Internet, fusionne avec une startup technique, et crée l’un des premiers comparateurs de prix européens avec LeGuide.com.
L’entreprise devient un acteur majeur du e-commerce. Levées de fonds, acquisitions, croissance… puis l’entrée en bourse en 2006. Une forme de consécration.
Quelques années plus tard, LeGuide a toujours le vent en poupe. Ils arrivent même à passé n°1 de l’e-commerce devant Google pendant un petit temps, de quoi attirer Lagardère Active qui leur propose une OPA. Michael refuse dans un premier temps.
Mais ils reviennent, et la deuxième proposition est impossible à refuser. L’OPA est signée en 2012.
Maxime Demeure a lancé Madbox avec 100€ de capital dans sa chambre d’ado. Aujourd’hui, il fait 60M de CA, a levé plusieurs dizaines de millions qu’il n’a toujours pas utilisés, et ses jeux ont été téléchargés plus de 600M de fois.
Quand il démarre à 22 ans pendant ses études, il doit convaincre les sceptiques, à commencer par sa mère. Pour ça, Maxime est prêt à tout, quitte à picther déguisé en Pac-Man.
La mission de Madbox est simple : donner le sourire à des millions de joueurs. Pour ça, la méthode de Maxime et ses associés est claire : miser sur l’équipe plus que sur le produit. Ils sont convaincus que l’échec fait apprendre - Maxime explique d’ailleurs “qu’ils ont appris à avoir tort”.
Mais Maxime, c’est aussi et surtout un entrepreneur passionné et compétiteur. Il n’aura réussi que lorsque tous les gens qu’il croisera dans le métro le matin joueront à l’un de ses jeux. Pour ça, il “s’est donné le temps de prendre des risques” en levant plus de 15M d’euros qu’il n’a toujours pas utilisé !
Tout part d’un coup de bluff.
En 2015, Bertrand Fleurose n’a ni produit, ni équipe, ni fonds. Mais il convoque un journaliste, annonce le lancement de 1 000 scooters électriques en libre-service à Paris. Le lendemain, il est contacté par le mairie de Paris pour officialiser leur collaboration. De cette audace naît Cityscoot.
Quelques mois plus tard, trois ingénieurs bricolent un prototype, des scooters sont déposés dans la rue, et le service démarre.
En 2016, c’est le lancement officiel. En 2017, c’est l’hypercroissance. Il déploie Cityscoot dans plusieurs ville européenne, signe - non sans mal - un partenariat avec Uber, et enchaine les levées de fonds. Le rêve. Il refuse même de cash-out. « Il y aura une autre levée encore plus importante, je ne cash-out pas », dit-il à son banquier. Erreur fatale.
Le COVID arrive. Il finit l’année 2020 tant bien que mal. Mais arrive un phénomène qu’il n’avait pas prévu : le télétravail. Les nombres de “rides” diminuent drastiquement, et Cityscoot n’est toujours pas rentable. En coulisses, les tensions s’intensifient avec les investisseurs. Bertrand se bat, veut sauver son entreprise, jusqu’au bout.
En 2022, il est d’abord poussé à la démission. Puis dilué par 1 000. Puis ruiné. Quand Cityscoot est placé en liquidation, il reste debout. Il tente de la racheter. Il poste sur LinkedIn, reçoit des messages de soutien, des avocats qui l’aident gratuitement. Il y croit. Mais ne parvient pas à réunir les 7 millions nécessaires. Il perd tout. Définitivement
Et si vos investissements pouvaient sauver la planète ? C’est ce que croit et défend Joseph Choueifaty, le co-fondateur de Goodvest.
À 24 ans, à la sortie de ses études, Joseph se rend compte qu’il n’existe aucune solution simple pour investir dans un avenir plus durable.
Convaincu que la finance peut être un levier pour bâtir un avenir durable, il se lance et fonde Goodvest, une plateforme d’investissement qui ambitionne d’aligner chaque euro investi avec les Accords de Paris.
Mais changer les règles du jeu n’est jamais facile.
Quand il approche les assureurs et les investisseurs pour structurer son offre, il se heurte à une industrie sceptique, habituée à fonctionner selon ses propres codes. Mais Joseph persiste.
Après des mois de travail acharné, il trouve un premier partenaire financier prêt à le suivre. Deux levées de fonds et quelques années de croissance plus tard, Goodvest gère aujourd’hui plus de 150 millions d’euros et a déjà attiré pas moins de 12500 épargnants.
Médecin reconnu et pionnier en médecine de la longévité et gériatrie fonctionnelle, Christophe de Jaeger a consacré sa carrière à explorer les mécanismes du vieillissement et à développer des approches novatrices pour améliorer la qualité de vie à chaque étape de l'existence.
Fondateur de l'Institut de médecine et physiologie de la longévité à Paris, il associe science de pointe et vision holistique pour optimiser le fonctionnement de l'organisme et prévenir les pathologies liées à l'âge. Son expertise englobe la mesure de la vitesse du vieillissement biologique, la prévention des maladies dégénératives et des interventions personnalisées visant à prolonger l'espérance de vie en bonne santé.
Son dernier livre, "Médecine de la longévité : une révolution!", paru en 2023 aux éditions Guy Trédaniel, aborde la manière dont la médecine de la longévité peut révolutionner notre rapport à l'âge. En mettant en lumière les leviers concrets pour bien vieillir, il défend une vision où l'espérance de vie en bonne santé prime sur la simple prolongation des années. Cet ouvrage s'inscrit dans la continuité de son engagement pour une approche globale et proactive de la santé.
👉 L'Insolence, par Caroline Pandraud-Durand, fondatrice de Chapter
👉 La Créativité, par Véra Kempf, co-fondatrice de Singulart et ambassadrice French Touch
👉 Le Doute, par Solène Étienne, co-fondatrice de FeuilleBlanche
L’agence FeuilleBlanche produit des médias d’inspiration pour les dirigeants et crée des contenus de marque.
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